Alice Hammer

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Pourquoi j'aime mon métier

Hier, j’ai eu l’honneur de faire partie des membres du jury de fin d’année de l’École de la maille. J’étais entourée de deux stylistes, une plasticienne, une collectionneuse de textiles asiatiques anciens, un plumassier et le directeur éditorial des éditions Eyrolles . Nous avons passé un très bon moment et avons été très impressionnés par la qualité du travail des étudiantes et à la fin nous nous sommes présentés à elles. Nous avons expliqué en quelques mots nos parcours et activités. Nos descriptions étaient très sommaires et du coup cette nuit j’ai ruminé que j’avais complètement bâclé la mienne par manque de temps et de préparation, et aussi en partie parce qu’en ce moment je suis un peu fâchée avec mon travail. Comme il est temps que ça cesse, et qu’il faut que j’arrête de travailler en boudant parce qu’il est très clair que je n’ai aucune envie de faire autre chose de ma vie, j’ai listé dans ma tête tout ce que j’aime.

Je parle ici souvent des difficultés et des challenges liés au noble métier de designer tricot à son compte, on a souvent tendance à oublier ce qu’on aime ou à ne plus le voir quand on est dans des périodes difficiles. Je me sens souvent entre deux plateaux de balance avec d’un côté les difficultés et les frustrations et de l’autre les joies et les réussites. Il faut arriver à ce que ça pèse un peu plus côté joie, mais c’est un équilibre très fragile et précaire et ces derniers temps j’ai plutôt tendance à regarder le mauvais plateau et à ne plus du tout regarder toutes les belles choses du bon plateau.

Voici comment j’aurais aimé présenter mon activité (je vous passe l’amour de la laine et du tricot vous n’apprendriez rien) :

J’aime la mode, j’ai envie de travailler dans la mode depuis très longtemps, j’aime les habits et je suis trop contente d’avoir réussi à en faire mon activité. Je ne pense pas que j’aurais survécu dans la mode “toute faite”, toutes mes expériences dans des entreprises ne m’ont pas paru concluantes. J’ai du mal à supporter que des gens qui ne font que des fringues se mettent tant de pression et créent une telle ambiance de travail. On dirait que recevoir les ananas à temps pour le buffet post défilé (expérience vécue) est aussi important qu’une transplantation cardiaque en urgence. Bref, j’aurais été bouffée en deux minutes.

Je fais donc ce que j’aime - des vêtements - mais en plus j’ai l’impression d’apporter de la joie aux gens. Mes clients ont la nippe, plus le plaisir de la tricoter. Je développe avec vous une relation que je n’aurais pas pu avoir en étant juste styliste. À travers les mots du patron je suis un peu avec vous pendant la période de confection de votre pull.

J’aime transmettre au travers des cours de tricot mais aussi transmettre mon amour pour l’histoire du costume et du tricot. Je n’ai plus tellement le temps en ce moment mais faire des recherches pour le jeu du samedi et rédiger les réponses sur le blog c’est un vrai moment de plaisir. J’aime raconter des histoires, j’aime écrire, et bien qu’il n’y ait pas besoin d’être tricoteur professionnel pour ça c’est un bon support pour engager la conversation avec des lecteurs qui partagent le même centre d’intérêt.

Si j’avais été juste styliste, je n’aurais jamais rencontré tous les gens que j’ai rencontrés. J’aurais évolué parmi d’autres stylistes ou gens de la mode, certains très bien bien entendu, mais j’aime l’hétérogénéité du monde du tricot. Je rencontre aussi bien des profs que des médecins ou des vendeurs ou des comptables ou des infirmiers. Au niveau des rencontres professionnelles, je rencontre des bergers, des teinturiers, des éditeurs, des imprimeurs, des attachés de presse, des journalistes… Mes collègues designers tricot viennent souvent de filières complètement différentes et ça apporte une vraie fraîcheur à mon univers professionnel. Tout le monde ne vient pas des mêmes écoles comme c’est souvent le cas pour les designers classiques, la plupart d’entre nous n’en ont même pas fait.

J’aime faire ce que je veux. En étant à mon compte et en travaillant en direct pour mes clients, j’ai une grande marge de manœuvre. Certes depuis les Club Tricot je suis engagée sur des projets au long cours, mais ce sont mes projets et j’arrive à en caser un peu entre 2.

Me présenter engage souvent une conversation plus longue avec les gens que je rencontre. Mon métier bénéficie d’un capital sympathie assez élevé, et ce n’est pas désagréable. Quand on me demande ce que je fais, les gens sont souvent étonnés et amusés et me posent plein de questions. Et me parlent souvent de leur grand-mère qui tricotait, qui tenait une mercerie ou avait une machine à tricoter ou leur cousait des habits… Tout le monde a des souvenirs d’enfance liés au fait main.

Je me dis depuis le début que je suis contente parce que je trouve que mon travail est sain. Je ne veux traiter aucun métier de malsain, j’écris ça dans le sens où je n’ai pas l’impression de participer à une économie dans laquelle je ne me reconnais pas. Je comprends la finalité de ce que je fais : je crée, je produis, je vends en général en direct aux clients. Je ne suis pas un maillon d’une activité énorme à laquelle je ne comprends pas grand chose et mon travail a un but.

Quand je me relis, je me rends compte que ce qui me fait le plus vibrer dans mon travail c'est en définitive l’aventure humaine. Pour moi qui me considère comme un ours qui aime tricoter dans son coin, c’est un comble, et je me rends compte que parfois je me connais bien mal !

Il y a bien sûr plein d’autres choses que j’aime mais je ne vais pas tout vous dire, ça risquerait de s’éventer.

Ps : suite à un post de la semaine dernière, vous m’avez demandé comment je fais pour Instagram sans l’application. J’utilise le navigateur de mon téléphone, je tape instagram.com et je peux poster et avoir accès à mes MP. Comme c’est pas pratique j’y passe rarement plus de 3 minutes d’affilée et je n’ai plus du tout l’espèce de réflexe “appli Instagram” 50 fois par jour dès qu’il y a un moment de creux. Je regarde mes messages 3 ou 4 fois dans la journée, mais je ne prends presque plus le temps de scroller dans mon fil d’actualité. Ne soyez donc pas vexés si je ne like pas ou ne réagis pas trop, j’ai tellement à faire dans la “vraie” vie que j’ai besoin de me délester de ça en ce moment. D’où entre autres la recherche d’assistant.